Lieu fantasmé par excellence, l'Islande a toujours excité les imaginations. La carte d'Ortelius au XVIe siècle, avec ses monstres marins, le montre bien ; Jules Verne ne s'y était pas trompé, lui qui en fait la porte d'entrée du Voyage au centre de la Terre. Pour beaucoup de touristes ces dernières années (j'en ai fait partie), l'Islande était devenu un éden, la promesse d'une nature vierge et impressionnante. Aux richesses naturelles se joignait le souffle de l'Histoire, le premier Parlement d'Europe, Erik le rouge et la découverte de l'Amérique. Une utopie de l'Atlantique Nord.
Les romans noirs d'Arnaldur Indridason auraient dû nous avertir : l'utopie possède aussi sa face noire, et l'Islande est en train de devenir une dystopie de notre monde contemporain. L'écroulement d'un système bancaire fondé sur la financiarisation à outrance de l'économie a plongé le pays réel en faillite, comme un avertissement de ce qui menace le monde sans régulation. Le réveil d'un volcan (une habitude islandaise pourtant bien connue) a mis à mal tout le système international de transport aérien, questionnant notre économie mondialisée, nos modes de déplacement, le tourisme de masse, et ramenant les problématiques de développement durable aux peurs millénaires sur la vengeance de la Terre-mère. Et le fichage génétique intégral de la population islandaise à des fins mercantiles pose également de graves questions bioéthiques.
La catharsis du peuple islandais doit nous servir à tous : il est temps de revenir aux contraintes du réel et aux limites de l'humain.
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