Je l'avoue, j'ai déjà vu circuler des enveloppes kraft demi-format en politique. Maintenant, aucun doute, elles étaient pleines de billets. Au moins 100 000 €. Et je vais vous détailler la liste des destinataires de ces enveloppes : ....
Le climat actuel est détestable. Quand une affaire privée touche la première fortune de France, elle devient publique. Et pourquoi ne pas exploiter le filon pour la transformer en affaire politique ? Ce qui ressemble à une partie de Cluedo, le majordome avec le magnéto, la comptable avec l'enveloppe, l'informaticien avec les CD, est en train de devenir une entreprise de déstabilisation. Désormais, même le Président de la République est accusé d'avoir été un François-Marie Banier, à la petite semaine, de la politique. Tout est mélangé, le financement légal, et le fantasme du financement occulte.
Pourtant, le financement de la vie politique s'est considérablement moralisé ces dernières années, et Eric Woerth a justement fait partie de cette nouvelle génération de trésoriers de parti politique respectueux de la transparence qu'impose la démocratie. Eric Woerth est un homme intègre. Peu de gens le contestent, en dehors de Marine Le Pen ou de Ségolène Royal, connues pour leur exactitude et leur bravitude quand il s'agit de lancer l'anathème. Et Florence Woerth ? Voici une professionnelle reconnue dans son domaine accusée de n'avoir servi qu'à transporter des valises en Suisse pendant que son mari poursuivait les banques helvétiques... Un peu de sérieux, un peu de respect !
Bien évidemment, je n'ai aucune preuve à apporter de l'innoncence - ou de la culpabilité - de M. Woerth. Mais il y a un travail administratif, d'enquête et de justice qui ne peut s'accomplir dans le climat actuel. Que M. Woerth démissionne de son poste de trésorier s'il le souhaite, dans un souci de clarification, mais il n'a pas de raison actuellement de démissionner du Gouvernement. C'est pourtant l'objectif de ceux qui n'ont pas réussi à mobiliser sur la réforme des retraites, que les Français savent nécessaires, et qui ont choisi d'ouvrir un front tellement plus facile, celui du soupçon. La tribune Halte au feu publiée dans Le Monde par Simone Veil et Michel Rocard a le mérite très clair de poser la limite entre débattre - de la situation de cumul des responsabilités par exemple - et abattre - ce qui est en train de se produire pour le Ministre du Travail. Les deux auteurs souhaitent que "les responsables politiques s'abstiennent d'apporter du grain à moudre à la broyeuse populiste". Il n'est que temps, ce qui n'empêche bien sûr pas la réflexion sur l'exemplarité républicaine.
Car il ne faut pas tout confondre. Il existe des dérives, malheureusement régulières, de certains responsables, qui méritent d'être sanctionnées. Il y a une éthique de la chose publique qu'il faut préserver. Mais entre un éventuel conflit d'intérêt, des fantasmes de financement occulte, des cigares, un jet, une facture de teinturier non honorée, un permis de construire, une soupente, un frère hébergé, une réservation d'hôtel non utilisée (cherchez l'erreur), il n'y a pas qu'une liste absurde où ne manque que le raton laveur, il y a aussi des amalgames dangereux pour notre démocratie. Ce n'est pas le souci d'un élu de protéger sa caste ; c'est bien le souci d'un citoyen qui refuse le populisme.
Alors débattons sereinement du train de vie de l'Etat - et plus particulièrement de celui des élus -, du cumul des responsabilités dans un parti et un gouvernement, de la nécessaire transparence, cessons avec ce climat de fric et de frime - symbole malheureusement d'une société plus matérialiste que jamais - pour revenir à une exemplarité que Nicolas Sarkozy appelait de ses voeux en 2007, et qui doit être celle de tous les amoureux de la politique (qui y laissent en général temps et argent). Mais arrêtons d'attiser les braises d'un incendie qui ne laissera pas indemne le lien entre le citoyen et ses représentants qui fonde notre contrat social, notre République.
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