Voici revenu l'été et ses marronniers, tant dans les newsmagazines que dans les émissions de télé : les vacances des super riches, les nouveaux yachts, les plus belles maisons du Lubéron, les indispensables de la haute couture,...
Certes, le rêve fait vendre. Mais cette distorsion de plus en plus violente entre le quotidien des Français et les images qu'on leur présente renforce le sentiment de fracture sociale. Et témoigne d'une société rongée par le consumérisme et le matérialisme. On parle de crise, de déclassement, de paupérisation des classes moyennes et la majorité des Français pense comme M. Hollande que l'on est riche à partir de 4000 € par mois. Mais la grande aube du consumérisme continue de tourner. Quand je feuillette Le Point, L'Express et Le Nouvel Obs, je finis par me trouver bien démuni : pas moyen d'acheter aucun costume (ni même souvent une simple chemise) proposé dans les pages "Modes" ; quant aux pages immobilier, la plupart du temps le problème est vite réglé : le prix n'est que "sur demande", et doit donc dépasser les deux millions d'euros. Le ressort de la consommation, c'est l'envie. Le ressort de notre société, c'est le matérialisme. Et tout est mis en oeuvre pour que ce cercle infernal ne soit jamais rompu. Les médias y contribuent bien : la publicité - donc la consommation - les fait vivre.
Il y a de multiples raisons de vouloir bien gagner sa vie, et elles sont respectables. Mais il est évident que nos échelles de valeur - et de priorités dans nos structures de consommation - évoluent. J'entendais un reportage éclairant ce matin sur le prix des livres à la rentrée scolaire, jugé faramineux par de nombreux parents. Mais l'abonnement mensuel au satellite, le téléphone portable, la console vidéo ne sont-ils pas bien plus onéreux. Ils sont devenus aussi indispensables. Mais joueront-ils le même rôle ?
Certains de mes rares lecteurs doivent être choqués. Comment, un billet aussi réactionnaire ? D'autres pourraient sourire, car ils savent que j'aime bien les belles choses, les belles voitures, les beaux tableaux, les beaux costumes. Mon propos n'est pas de critiquer la dépense, la consommation, la possession de biens matériels. Il n'est pas de dire qu'il y aurait de bons achats et de mauvais achats (avec le sous-entendu imbécile : les pauvres ne savent pas gérer leur budget !). Il ne s'agit pas de juger la qualité des besoins de chacun, mais bien de comprendre comment se forment ces besoins, et comment ils sont aujourd'hui renouvelés à un rythme jamais atteint. En créant de nouvelles distinctions, distorsions, fossés dans notre société.
Il s'agit juste d'un coup de gueule contre ce sentiment d'envie qu'un système médiatico-économique insuffle chez nous, qui finit par mesurer nos vies à la capacité à suivre les suggestions des magazines. Il y a bien d'autres moteurs à la volonté de progresser dans sa carrière que ce matérialisme au vide béant. Et il n'est d'ailleurs pas inintéressant de voir que sur ce sujet, réactionnaires de droite et situationnistes de gauche se rejoignent. Et que ce mal concerne aussi la politique. Plus que de speed consommation, de speed mesures politiques, notre société a besoin de valeurs et de sens. Elle a besoin d'un projet, d'un mieux-être qui ne passe pas par la satisfaction des besoins immédiats.
Cher Jean,
Bravo pour ton article, dont je partage le fond. Tu pourrais aussi rajouter les articles/emissions de tv sur le sexe sous toutes ces formes (" le plaisir pendant l'été, les nouveaux réseaux du sexe..."). Deja dans les années 30, nos intellectuels réclamaient "du sens" pour la population. Nous vivons une époque vide, et ceux qui voudraient la remplir d'autres choses que d'argent, de sexe ou de virtuel nagent vraiment à contre courant.
Rédigé par : Bleuzenn Pech de Pluvinel | 24/08/2010 à 13:33
Chère Bleuzenn,
merci pour ton commentaire. Tu as tout à fait raison, j'aurais pu ajouter la question du sexe. Concernant les intellectuels des années 30, ils sont souvent occultés car un certain nombre d'entre eux (pas tous !!!) ont mal tourné dans les années 40. Mais il y a chez eux des trésors de réflexion, de l'énergie, et une vision de la société et de l'action politique qui pourraient nous être très utiles aujourd'hui. Le livre de Jean-Louis Loubet del Bayle sur les anticonformistes des années 30 montre bien la richesse intellectuelle de cette époque.
Rédigé par : Jean Spiri | 25/08/2010 à 11:39