Interview
d’Eric Cesari, conseiller municipal de Courbevoie délégué chargé en charge du suivi des
grands projets concernant La Défense, Vice-Président
de la Communauté d’agglomération Seine-Défense, dans Première heure, le mardi 6 octobre 2013,
Première Heure - Quelles auraient été les conséquences d’une dissolution de l’EPADESA ?
Eric Cesari : « La conséquence première aurait été l’abandon du territoire du quartier d’affaires par l’Etat ! Avec une deuxième conséquence immédiate et très concrète qui ne doit échapper à personne : les collectivités locales se seraient retrouvées seules en première ligne pour assumer pleinement toutes les charges financières de la Défense. Je pense, en particulier, à celle très lourde liée à la mise aux normes des infrastructures, notamment en matière de sécurité. Cette facture considérable dont personne n’est capable, à ce jour, de donner un chiffrage précis se compte probablement en centaines de millions d’euros. Chacun comprendra donc aisément que la ville de Courbevoie n’entend pas voir l’Etat se désengager aussi simplement d’un trait de plume et abandonner sa responsabilité sur ce dossier majeur. Par ailleurs, au-delà des aspects strictement financiers, la présence de l’Etat est un élément d’équilibre essentiel dans la manière dont doit se concevoir le développement du quartier d’affaires. C’est précisément son rôle d’être un arbitre qui veille au respect des équilibres. Je n’ai aucune raison d’être inquiet par rapport aux positions de nos collègues. Mais il ne faut pas, pour autant, nier les réalités : entre le point de vue de Nanterre, celui de Suresnes, et ceux de Puteaux et de Courbevoie, il n’y a pas eu forcément, jusqu’à présent, le même regard sur le développement du quartier d’affaires et sur ses modalités. On peut naturellement s’entendre sur tel ou tel point, sur le logement et la mixité par exemple. Mais s’agissant du « Plan de renouveau de la Défense » qui demeure notre référence commune, vous m’accorderez que M. Jarry n’en a pas été, jusqu’à présent, le plus farouche défenseur… Enfin, si je reste convaincu que le désengagement de l’Etat serait très dommageable pour la Défense et pour l’ensemble de ses acteurs, je n’en demeure pas moins préoccupé par le manque de vision et de cohérence dont fait preuve le gouvernement pour piloter un dossier aussi stratégique.
P.H. – A quoi pensez-vous ?
E.C : « Je pense aux blocages qui relèvent exclusivement de l’action – pour ne pas dire de la mauvaise volonté - gouvernementale. Un exemple : le contrat de développement territorial (CDT) qui est un élément du Grand Paris. Le CDT doit permettre de dynamiser les territoires et de fédérer tous les acteurs pour définir et planifier une vraie stratégie de développement. C’est un levier de mobilisation. Courbevoie et Puteaux ont su prendre ensemble leurs responsabilités en élaborant un CDT qui s’inscrit dans une logique territoriale parfaitement cohérente, celle de la Défense (intra-muros). Nos deux municipalités ont mis toute leur énergie pour élaborer un document de qualité qui porte un projet ambitieux. Un projet dont les implications concrètes dépassent naturellement le cadre de nos deux communes. Que l’on me comprenne bien : La Défense n’est pas un « gâteau » que nous voulons garder pour nous, mais un territoire exceptionnel qui crée des richesses partagées par tous. C’est un atout majeur pour notre pays, bien au-delà de l’Ile-de-France. Et c’est malheureusement un projet qui est aujourd’hui au point mort pour des raisons bassement politiciennes. Le seul argument que l’on nous oppose aujourd’hui pour freiner notre projet – alors même que l’accord cadre a été signé par l’Etat et que la pertinence du CDT a été reconnu par le préfet de région – est de nous dire : « deux communes, c’est trop court, c’est trop peu ». Est-ce vraiment sérieux ?
P.H. - Que répondez-vous justement à ceux qui vous accusent de ne pas agir avec les autres parce que vous voulez garder votre pactole ?
E.C. : « C’est totalement faux et cela ne résiste pas une seule seconde à un examen objectif ! A de nombreuses reprises, Jacques KOSSOWSKI a montré que notre municipalité était, par nature, totalement ouverte à ceux qui veulent sincèrement faire avancer nos territoires. Nous avons déjà réfléchi à des possibilités de partenariat avec Bois-Colombes et la Garenne-Colombes. Et nous allons poursuivre cette démarche et engager de nouvelles discussions avec d’autres communes. De ce point de vue, je dois dire que M. Jarry est lui aussi demandeur d’une entente avec nous, mais il faut que les choses soient claires : une bonne entente ne pourra voir durablement le jour qu’à partir du moment où nous aurons réglé préalablement deux points. Le premier nécessite que nous soyons d’accord sur la stratégie de développement du quartier d’affaires et sur son modèle économique. Certes, le « Plan de renouveau » peut être amélioré et ne doit pas rester figé dans le temps. Mais ce plan, voulu et porté par Nicolas Sarkozy en 2006, a eu l’immense mérite de mettre le doigt sur une difficulté que personne n’avait traité auparavant : l’obsolescence cyclique de ce secteur qui nous impose d’être constamment en mouvement et de ne jamais nous reposer sur nos lauriers. Si nous voulons rester compétitifs dans ce secteur extrêmement concurrentiel, il faut obligatoirement que notre offre immobilière corresponde aux exigences et aux demandes de ceux qui sont susceptibles de s’installer dans le quartier. Par ailleurs, il y a d’autres éléments à développer avec la mixité, une plus grande prise en compte des habitants, des services de proximité… Il faut faire de ce lieu de travail un véritable lieu de vie, et que les deux soient harmonieux. On ne peut pas sacrifier l’un pour l’autre. La qualité de vie et la dimension humaine de l’urbanisme sont également des facteurs de compétitivité et d’attractivité économiques.
P.H. – Et le second ?
E.C. : « Il s’agit de la gouvernance de ce quartier. Nous ne souhaitons pas que l’Etat sorte du tour de table, notamment pour une raison simple : il y a beaucoup de sujets qui relèvent exclusivement de la responsabilité de l’Etat et qui n’ont pas été assumés jusqu’à présent, quelle que soit la couleur politique de l’Etat. Que l’on m’apporte des éléments qui puissent me convaincre du contraire et je suis prêt à changer d’avis. Un exemple concret : que se passerait-il si, par malheur, un accident similaire à celui du tunnel du Mont Blanc en 1999 se produisait dans l’un des espaces souterrains de la Défense qui ne sont pas aux normes actuelles de sécurité ? Aujourd’hui, l’Etat est présent, il a une responsabilité, il peut et il doit l’assumer. Mais si l’Etat n’était plus là demain, quel serait l’élu qui devrait se substituer à lui et prendre cette responsabilité civile et pénale ? Je ne vois pas au nom de quoi les élus devraient endosser des responsabilités qui sont – depuis des décennies – celles de l’Etat. Je ne vois pas davantage au nom de quoi les élus devraient porter le chapeau pour des manquements qui ne sont pas les leurs. Une fois ce constat établi, je reste convaincu que nous pouvons construire un nouveau partenariat avec l’Etat, un partenariat dans lequel les élus deviendraient logiquement les véritables pilotes du développement du territoire. Un accord gagnant/gagnant est tout à fait possible dans le cadre d’un pacte de gouvernance signé avec l’Etat, où les responsabilités et les missions de chacun seraient clairement identifiées et assumées.
P.H. - N’y en a-t-il pas une troisième avec les transports à la Défense ?
E.C. : « Vous connaissez nos rapports compliqués avec la Région dont l’action n’est malheureusement pas toujours empreinte d’une bonne vision stratégique ou dénuée d’arrière-pensées politiques … Le STIF agit de manière totalement autonome, c’est un fait. Je ne dis pas qu’il ne contacte pas les élus, mais la Région a conservé une vision passéiste, liée à un réseau ancien. Il faut qu’elle se projette davantage dans l’avenir, avec une logique territoriale qui ne soit plus prisonnière des vieux calculs politiciens, et qu’elle prenne enfin en compte la réalité des pôles de développement franciliens. Là encore, je suis bien obligé de constater que, sans le réseau du « Grand Paris Express » initié par le Président Nicolas Sarkozy, le pôle d’affaires de la Défense et de l’Ouest Parisien serait bien démuni avec le réseau actuel totalement sous dimensionné. Honnêtement, qui peut nier encore le manque cruel de moyens de transports dont nous souffrons ? Le réseau actuel est constamment à la limite de la thrombose. Par exemple, il a fallu attendre que le RER A soit complètement saturé pour que le STIF se saisisse du problème. De notre côté, nous nous sommes battus pour obtenir l’implantation de deux gares sur notre territoire, l’une à Bécon-les-Bruyères, l’autre au pôle d’intermodalité de la Défense. Notre ligne de conduite est simple : anticiper les exigences de notre développement et rechercher les partenariats les plus larges possibles, avec le maximum d’acteurs. Mais je me pose la question de savoir ce qui va se passer désormais avec la métropole du Grand Paris. L’instabilité institutionnelle qui se dessine avec ce nouveau projet rend aujourd’hui difficile la lecture et les projections sur ce que l’on pourra faire et avec qui.
P.H. - Comment réagissez-vous à ce projet de Grand Paris Métropole ?
E.C. : « Malheureusement, ce projet est marqué par le sceau de la démarche politicienne ! Au lieu de faire de la métropole du Grand Paris une démarche partagée, volontaire, entre collectivités qui veulent progresser ensemble et qui l’ont déjà exprimée à maintes reprises, notamment au travers du syndicat Mixte Paris Métropole, au lieu de continuer dans une démarche de concertation qui amène à construire un projet partagé, on impose une nouvelle structure intercommunale et même supra inter communale.
C’est un mille-feuille absurde dans lequel on a réinséré un énorme morceau qui est cette future métropole du Grand Paris avec 124 maires de la petite couronne et 6.5 millions d’habitants. Il faut se poser la question : quel est le rôle de la Région face à ce nouveau « monstre » ? Quelle est sa pertinence ? La Région ne va-t-elle plus représenter que les 3 territoires délaissés en dehors de la Métropole ?, etc.
Tout le monde se plaint de l’éloignement des élus, du souci du terrain et de la demande de proximité des populations. Vous croyez sincèrement que c’est en traitant les questions de logement et de qualité de vie au niveau de cette supra communauté urbaine que l’on va améliorer les choses ? Le maire qui est l’élu de proximité, capable de répondre aux soucis de la population sur un territoire donné et à l’échelle humaine, est dépouillé. La bonne démarche initiée avec le précédent gouvernement consistait à réduire la fracture et les déséquilibres territoriaux en faisant fusionner région et département. Il y avait là une vraie révolution et un vrai bénéfice pour les populations.
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