Le Grand Paris a été trop souvent caricaturé ces derniers temps à la seule rocade de métro rapide et automatisé autour de Paris, alors même que le projet qu'a initié le Président de la République est bien plus complexe et ambitieux, mêlant politique d'infrastructures, développement économique, vision urbaine et préoccupation sociale. Il vise à rendre à notre aire métropolitaine sa place prépondérante en Europe et dans le monde, à redonner une vision à son aménagement, et à mettre fin à une faiblesse notoire d'investissements en infrastructures. Car il serait aussi inepte de nier l'importance du "double anneau" que de prétendre qu'il résoud à lui seul tous les problèmes de la région capitale !
Réduire le Grand Paris à ce seul supermétro, c'est nier toute la politique de développement de pôles d'attractivité qui a été l'origine de la conception de ce tracé. Nous savons bien, dans les Hauts-de-Seine, le potentiel formidable, mais aussi les écueils, que constitue la création d'un pôle d'attractivité majeur. La poursuite du développement de La Défense est un impératif : sans croissance économique, pas de redistribution. Mais pour demeurer attractive, La Défense doit être mieux connectée avec les pôles parisiens et Roissy, pour devenir réellement un quartier d’affaires mondial, tout comme elle doit mieux s’intégrer à son environnement, pour offrir le cadre de vie que recherchent désormais les entreprises, en devenant notamment un quartier mixte et ouvert. Cela signifie soutenir la politique de renouveau initié par l’EPAD, s’associer à la réflexion sur le prolongement d’Eole, une priorité, sur la construction de la rocade, mais aussi sur la liaison TGV ; cette mobilité améliorée profite à tous les habitants des Hauts-de-Seine. Cela signifie surtout veiller à ce que La Défense ne demeure pas une construction hors-sol, mais soit davantage reliée à son environnement. L’aménagement de la Défense de la Seine à la Seine doit se faire dans une perspective de plus grande mixité, avec des logements, des espaces verts, des commerces de proximité ; les villes voisines doivent être mieux reliées au quartier d’affaires, avec la fin de barrières physiques comme mentales importantes, ce que nous avons entrepris à Courbevoie. Enfin, cette liaison doit aussi se matérialiser au travers de politiques partenariales : en matières d’équipements sportifs par exemple, en matière culturelle, mais aussi en termes de formation, de parrainage par les entreprises de jeunes du département. L'urbanisme, les politiques sociales, sont donc inséparables du projet de La Défense. Il en est de même pour les autres pôles du Grand Paris, qui doivent essaimer, économiquement et socialement, sur tout le territoire.
Mais au-delà de ces grands projets structurants, il faut rappeler que l'originalité du Grand Paris proposé par les architectes consultés par le Président de la République réside aussi dans une nouvelle vision de l'aménagement urbain de proximité. Il était d'ailleurs frappant de voir les visiteurs de l'exposition de la Cité de l'architecture se masser devant les panneaux du groupe Descartes présentant des aménagements avant et après de zones pavillonaires , de boulevards urbains froids,... Cela montre que le Grand Paris ne doit pas seulement être un moteur d'attractivité économique, qu'il ne doit pas se concentrer uniquement sur des problèmes de flux, se situer à une échelle macro comme les villes nouvelles ou le schéma Delouvrier, mais qu'il doit être l'occasion de repenser les micro-liens de transports, économiques et sociaux, à inventer un nouvel urbanisme de proximité, qui permette de créer de la continuité dans des espaces jusqu'à présent juxtaposés, qui donne un lien non seulement spatial mais aussi social. Pour cela, de nouvelles règles d'aménagement sont nécessaires, notamment au niveau des communes qui doivent penser leur PLU dans cette optique, et permettre à chacun une plus grande appropriation de son habitat au sein de règles collectives, tout en valorisant des espaces naturels et publics parfois peu intégrés.
Le Grand Paris n'est pas un espace projet, conçu comme un chorème, un plan idéal imaginé en dehors de toute contraintes : c'est un espace concret qui n'a de sens qu'au service de ses habitants. La forme de la ville doit épouser le coeur des mortels. C'est pourquoi le Grand Paris doit se transformer en Grand Pari humain. L'arrivée de nouveaux équipements publics, le dynamisme économique, les moyens de transports améliorés doivent permettre de construire un espace dont la qualité de vie progresse, et où les inégalités, les fractures se résorbent. L'égalité des possibles doit être au coeur de ce projet. Egalité des possibles, c'est-à-dire accès facilité à tous les territoires, tous les modes de transports, toutes les opportunités d'emploi, mais aussi de connaissance, de loisirs et de découverte, d'ouverture au monde, à toutes les diversités de la métropole. Pas de Grand Paris sans une politique soutenue d'égalité des chances, sans la résorption des inégalités scolaires, sans la lutte contre la pauvreté, sans le désenclavement de certains quartiers, sans une politique résolue d'amélioration des conditions de logement (et de nouvelles constructions), sans un intérêt marqué pour la formation. Impossible de penser un territoire métamorphosé sans projet de nouvelle société.
Car il ne faut pas oublier la dimension utopique, parfois presqu'onirique, de ce projet de Grand Paris. Grand Paris juqu'au havre, reconquête du fleuve, créations architecturales audacieuses : il faut redonner du rêve et de l'identité commune à ses habitants, et pas seulement à Paris. Les projets de Roland Castro sont à cet égard éclairant : Central Park à La Courneuve, l'opéra de Sidney à Gennevilliers, c'est bien l'idée que tous les territoires, tous les habitants ont le droit à des aménagements majeurs qui créent du dynamisme et de l'identité (ex : Bilbao). Personnellement, l'image ci-dessous me fait rêver : elle fait autant pour désenclaver le nord des Hauts-de-Seine que quinze ans de politique de la ville.
Le département des Hauts-de-Seine a la chance de représenter un Grand Paris en miniature, avec sa diversité, sa complexité, ses liaisons parfois difficiles, ses fractures géographiques et sociales, la variété de son tissu économique. Il nous faut donc travailler à ce que ce département devienne un laboratoire du Grand Paris, dans sa dimension d'urbanisme bien évidemment, mais aussi dans sa dimension sociale. Nous devons veiller à créer une continuité entre les infrastructures du Grand Paris et la vie locale : à quoi sert un TGV et un super métro à Nanterre s'il faut une heure pour que les habitants de Gennevilliers les rejoignent ? pourquoi ne pas mieux lier La Défense et le pôle universitaire de Nanterre ? établir des passerelles entre les entreprises et les établissements du secondaire, le bassin d'emploi local ? Ce sont toutes ces liaisons qu'il nous faut créer pour décloisonner géographiquement et socialement notre territoire, afin d'améliorer sa cohésion comme son dynamisme économique.
Nos villes se trouvent au coeur de ces enjeux, et ne doivent pas regarder les trains passer. N'ayant pas peur d'avoir de l'ambition ! Créer un réseau secondaire de transports en commun à partir des grands pôles qui desservent notre ville (pourquoi pas une prolongation du métro), participer au pôle d'excellence universitaire qui se crée, être un acteur culturel fort, créer l'animation et le cadre de vie qui complètent un quartier d'affaires, voici des objectifs à notre portée. Un peu de rêve aussi. Nos villes sont caractérisées par une diversité d'architectures, de populations, de quartiers, qui doit être sa richesse autant que son identité : des éléments forts et novateurs du paysage urbain, des équipements originaux, des expérimentations sociales, pourraient signaler le rôle et la place à part de notre ville dans le voisinage du pôle de La Défense, et plus largement dans le Grand Paris.
Le Grand Paris ne doit pas être un OVNI qui se pose sur nos territoires, mais bien un processus dont les élus et les citoyens doivent être moteurs. Si nous nous limitons à l'approche en termes de grands travaux, le pari sera perdu. C'est aujourd'hui qu'il faut dans chaque commune commencer à réflechir à ce que seront les déclinaisons de ces nouveaux flux, de ces nouveaux équipements, de ces nouvelles dynamiques. Nous devons traduire dans le quotidien des Franciliens cette ambition, en leur donnant un cadre de vie adapté à leurs attentes, en leur assurant un modèle de croissance dynamique, durable et solidaire. Pour cela, il est nécessaire de construire dès aujourd'hui, à partir des perspectives que nous donne le Gouvernement, un Grand Paris humain.
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