La vie politique locale a tout du sacerdoce. La passion tout d'abord, car on ne sacrifie pas une part notable de son temps si l'on n'aime pas les gens, si l'on ne souhaite pas défendre ses convictions, si l'on ne veut pas travailler des dossiers et initier une action. Une part de foi, car il faut y croire, quand parfois l'on se demande à quoi bon ces réunions interminables, ces manifestations où l'on fait pot de fleurs, ces idées qui n'avancent pas. Puis il y a un projet qui aboutit ; puis il y a quelqu'un dans une situation difficile que vous parvenez, avec l'aide des services de la ville, à aider : puis il y a la capacité d'indignation, d'enthousiasme. Et puis il y a le contact avec les habitants de la ville, les solutions à trouver, les rêves aussi auxquels on veut donner corps. Et tout cela dépasse largement les doutes.
La conciliation avec la vie familiale est l'affaire de chacun.
En revanche, la conciliation avec la vie professionnelle est l'affaire de tous. C'est l'affaire de tous, parce qu'il existe des textes très précis à ce sujet, qui autorisent les salariés à donner une partie de leur temps à la collectivité. L'affaire de tous, parce qu'il faut se demander quel personnel politique nous voulons dans les années à venir à l'échelon local. Si nous ne voulons que des inactifs, retraités ou pas, il faut continuer sur ce chemin ; sinon, il est temps de faciliter la vie de ceux qui travaillent ! Ils apportent leur regard, leur expérience, et leur mode de vie correspond bien à la majorité de leurs administrés - leur représentativité ne fait pas de doute.
Ensuite, c'est à chacun de trouver l'équilibre. Pour ma part, je crois en quelques principes simples : l'étanchéité, la proportion. L'étanchéité, c'est le fait que votre travail n'influence pas votre rôle d'élu, et surtout que votre rôle d'élu n'influence pas votre travail. Il faut être capable de faire son travail sans que jamais, jamais, ses convictions politiques ne viennent y jouer un quelconque rôle. C'est une séparation à conserver impérativement ; mais il faut aussi cesser de penser qu'un élu perd aussitôt son indépendance et sa neutralité ! Beaucoup de fonctionnaires sont élus, et veillent scrupuleusement à la neutralité du service public. Quant au principe de proportion, c'est bien évidemment que le temps que vous consacrez à la collectivité doit être fonction des responsabilités qui vous sont données ! Un élu est un bénévole. Quand il a une délégation il reçoit une indemnité. Voilà déjà qui peut suggérer une différenciation dans l'équilibre vie professionnelle/vie d'élu. Mais qui ne joue aucun rôle sur le partage avec la vie politique. Elle est affaire de détermination et de conviction. De ce point de vue là, il y a très clairement deux types de professionnels élus : ceux qui comptent mener toujours les deux de front, et n'aspirent pas à une vraie carrière politique ; ceux qui aspirent à une vraie carrière politique, et sont prêts à arrêter leur carrière professionnelle. Car je ne crois pas aux super-cumulards-génies-des-steppes, capables d'exercer deux mandats, d'avoir une carrière brillante, et en plus d'être concertiste professionnel. Il faut savoir répondre à la confiance des électeurs par une disponibilité totale. Mais ne nous voilons pas la face : cela n'est possible que quand on atteint un certain niveau de mandat ! En attendant, il n'est pas bon que les seuls élus qui puissent prétendre progresser dans la vie politique soient ceux qui ne travaillent pas...
Pour maintenir cet équilibre, les règles sont simples : respecter le rythme de travail des professionnels (et plus largement respecter le fait qu'ils travaillent, qu'ils ne sont pas maîtres de leur agenda) ; accepter que leur apport puisse être différent ; mettre en place une organisation du travail qui leur facilite la vie ; accompagner les élus dans le suivi de leurs idées. Trop souvent, une idée, une consigne, une impulsion sont largement insuffisantes ; il faut suivre les projets comme le lait sur le feu. Or l'élu qui travaille a besoin de relais très clairs dans l'administration municipale, d'une culture du suivi et du résultat. Il est là pour donner la ligne, pas pour être chef de service... une réalité parfois oubliée. D'un autre côté, les élus doivent développer leur culture administrative, prendre conscience des difficultés, et être là quand il y a des obstacles politiques ou institutionnels à lever. Cela s'apprend, mais mériterait d'être davantage théorisé, encadré, planifié.
A l'aube d'une nouvelle rentrée professionnelle et politique, j'avais envie d'écrire cet article. Parce que je compte être un professionnel très exigeant avec moi-même, enthousiaste et ne renâclant pas au travail. Et bien sûr totalement neutre. Parce que je compte être un élu local très impliqué, n'hésitant pas à prendre position, allant au contact des Courbevoisiens, surtout en difficulté, apportant une vision politique dans le traitement des dossiers - et travaillant davantage encore sur ces dossiers, dans une meilleure coordination avec les services. Mais je ne veux pas renoncer à l'un pour l'autre.
Bonne rentrée à tous !
PS : Quant à la conciliation avec la vie familiale, et la vie tout court, j'en ai déjà dit un mot dans un précédent article : pour moi, un élu qui ne prend pas le temps de vivre se dessèche, et ce n'est pas comme cela qu'il est performant !
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