Le Ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a ouvert, le 17 février dernier, des "Assises du médicament", dont les conclusions devraient être connues avant l'été. Cette initiative fait bien sûr suite à l'affaire du Mediator et vise à redonner confiance aux Français dans le système de sécurité sanitaire du médicament. Mais elles permettront d'aborder plus largement la place du médicament dans le système sanitaire français.
Car la France est le champion du monde, champion d'Europe de la consommation de médicaments par habitant. Ce système est bien sûr entretenu par les laboratoires pharmaceutiques. Mais il est aussi entretenu par les médecins avec une situation de surprescription de médicaments, contrairement à la plupart des pays où les ordonnances comprennent rarement plus d'un médicament. Il est également entretenu par les patients, qui ne comprendraient pas que les ordonnances soient désormais limitées, tant l'habitude a été prise de multiplier les remèdes. Enfin, ce système a été entrentenu par les pouvoirs publics, qui ont mis beaucoup de temps à dérembourser des médicaments inutiles - voire dangereux -, sans parler des faiblesses du systèmes de sécurité, et, de surcroît ont trop longtemps fait des concessions à l'industrie pharmceutique, sans prétexte de soutenir les entreprises nationales (qui le sont pourtant de moins en moins). Comme si la France devait développer son industrie pharmaceutique uniquement sur sa demande nationale...
Ces mauvaises habitudes ont des conséquences désastreuses sur nos finances publiques. La surconsommation de médicament coûte cher à l'assurance maladie. Le premier axe d'action a été la communication autour de certaines catégories de médicaments ( tout le monde se souvient des campagnes "les antibiotiques, c'est pas automatique !". Le deuxième axe a été l'instauration d'une franchise sur les boîtes de médicament, qui était censée permettre une réduction de la demande, et privilégier les grands conditionnements, ont surtout été perçues par les consommateurs comme une attaque de leur modèle - et non comme le moyen de le préserver... Le déremboursement des médicaments dont l'utilité médicale est presque nulle - et qui demeure très consommés, a été un troisième axe d'action Quand on voit comme ces décisions de déremboursement ont été difficiles à prendre - et il faut saluer le courage de Xavier Bertrand qui fut le premier, en 2005, à oser proposer un déremboursement important de médicament au service médical réduit -, on se dit que la responsabilisation du patient-consommateur a encore des progrès à faire.
Et cela est bien dommage. Car notre système d'assurance maladie n'a pas des capacités de financement infinies : ne pas dérembourser des médicaments déopassés ou inefficaces, c'est se limiter dans sa capacité à admettre au remboursement de nouveaux médicaments innovants. Chaque année, le remboursement de nouveaux médicaments coûte 1 milliard d'euros supplémentaire à la Sécurité sociale. Si nous ne déremboursons pas certains médicaments (comme d'ailleurs si nous n'arbitrons pas mieux entre les risques et les services médicaux), nous ne pourrons pas continuer éternellement à rembourser autantd e médicaments innovants, parfois très coûteux. C'est pourtant cela qui stimule l'innovation (qui peut paraître plus importante que l'importance de la demande nationale) et permet le progrès médical !
Un tel comportement face au médicament peut donc avoir des conséquences sur la santé publique. Il existe noramment un phénomène peu connu, mais important : la iatrogénie médicamenteuse. La iatrogénie médicamenteuse désigne les effets indésirables provoqués par les médicaments. Elle regroupe des symptômes très divers depuis la simple fatigue jusqu'à l'hémorragie digestive. La prise de médicaments s'est aujourd'hui banalisée et ces risques sont trop souvent sous estimés. Pourtant, les risques iatrogéniques sont évitables dans la majorité des cas. Il s'agit, par exemple, d'une erreur dans la prise du médicament ou d'une interaction entre les différents médicaments pris, qui peut arriver chez le patient comme à l'hôpital, et touche principalement les personnes âgées de plus de 65 ans. La iatrogénie médicamenteuse doit être distinguée des effets indésirables liés au médicament lui-même, qui sont indiqués dans la notice d'utilisation du médicament, ou des allergies. La iatrogénie médicamenteuse ne doit pas être sous-estimée : elle peut être une cause importante de décès, comme l'ont montré plusieurs études américaines notamment. L'Assurance Maladie et les médecins traitants ont donc décidé de mettre en place une prévention active des risques liés aux médicaments pour les personnes de plus de 65 ans. Mais le chemin sera long pour faire émerger de nouveaux usages parmi la population, même si la crise actuelle y participe bien involontairement.
L'émoition suscitée par la publication d'une liste de 77 médicaments sous surveillance devrait être relativisée. Outre les médicaments eux-mêmes, ce sont également nos usages qui peuvent devenir dangereux. C'est un sujet majeur de responsabilité pour les médecins et les pouvoirs publics, comme pour les patients eux-mêmes !
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