Voici quelques propositions qui ont été faites par Benoist Apparu en conclusion du débat, en partant du constat que le temps d’internet n’est ni celui de la législation, ni celui de la justice, ni celui de l’appropriation individuelle.
1/ Une meilleure articulation entre ce qui relève de la législation et ce qui relève de la régulation
Pour résorber le fossé entre les attentes de nos concitoyens, leur ressenti, leurs usages, et la réalité de la législation, il ne faut plus concevoir celle-ci comme un ensemble de règles précises qui viendraient régir chaque nouveau développement d’internet, et se trouverait vite dépassées, mais comme l’affirmation de principes valables quels que soient les usages et quelles que soient nos technologies, sur tous les supports, pour tous les médias. Les grands principes relatifs aux contenus – la déontologie, la protection des mineurs, création, etc. -, les grands principes relatifs à l’accès – la liberté de choix et d’accès, la protection de la vie privée, etc. -, les grands principes de liberté économique – libre concurrence, respect du droit d’auteur, etc. - doivent constituer un socle législatif commun. Il appartiendrait aux autorités de régulation de préciser l’application concrète de ces principes en fonction des différents supports et des différentes technologies, afin de parvenir à une approche globale et cohérente, quoique différenciée, sur ces sujets – contenus, accès, économie.
2/ Une véritable médiation dans l’univers numérique sur les questions de vie privée
Il ne suffit pas que les règles existent, encore faut-il qu’elles soient appliquées et simples d’accès pour nos concitoyens, qui ont l’impression croissante que leurs droits individuels ne sont pas toujours respectés sur internet. Si aujourd’hui l’arsenal juridique existe, si les procédures sont mises en place, il serait faux de prétendre qu’elles sont simples d’accès, ou même que les demandes enregistrées sont toujours traitées, que ce soit par les pouvoirs publics ou par les professionnels du secteur. Bien évidemment, il ne s’agit pas de remettre en cause le rôle fondamental de la justice, mais de faciliter l’accès aux procédures existantes, d’offrir une médiation, notamment pour les questions de vie privée, dont le respect est la marque des régimes démocratiques. La CNIL a été en pointe dans la défense de la vie privée sur internet depuis plusieurs années, et vient de montrer sa capacité à enquêter et à agir en condamnant l’un des acteurs majeurs d’internet pour la collecte illégale de données personnelles. Il faudrait renforcer son rôle, en lui donnant un véritable rôle d’Ombudsman numérique, qui serait chargé de veiller au respect des droits des individus et des entreprises, de faciliter leurs relations avec la police et la justice autant qu’avec les professionnels de l’internet. Ce nouveau rôle dévolu à la CNIL permettra de faciliter l’exercice et la protection des droits de chacun ; il facilitera aussi le lien entre l’application de droits nationaux ou européens par des entreprises dont le pays d’origine peut appliquer des législations différentes. Comme l’a souligné la Commission européenne, en matière de respect de la vie privée, c’est le droit du pays de l’utilisateur doit être pris en compte.
3/ Une transparence sur l’utilisation des données personnelles et la construction de la réputation numérique
Il est nécessaire de donner à nos concitoyens l’impression qu’ils peuvent maîtriser et comprendre l’information et le traitement des données personnelles les concernant directement. Cela signifie que les entreprises de l’internet doivent faire un effort majeur de transparence, en affichant de manière actualisée la nature des données qu’elles collectent et l’utilisation commerciale qui en est faite. Chaque citoyen doit aussi pouvoir agir sur les informations mises en ligne le concernant. Le développement d’une carte de visite numérique, qui serait créée par chaque internaute et recenserait les informations personnelles qu’il souhaite mettre en avant, la photographie qu’il désire utiliser, etc., pourrait y répondre si cette carte de visite était par principe le premier résultat qu’affichent les moteurs de recherche quand la requête porte sur un nom propre. Ainsi chaque personne pourra être au moins maître de la première information disponible sur lui-même sur internet.
Vous pouvez lire le texte intégral de la tribune de Benoist Apparu, Président du Club 89, à l'adresse http://club89.org/.
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