1 h 30 d'interview du Président de la République, mardi 16 novembre, pour parler de la politique qu'il compte mener pour la France : l'occasion pour les commentateurs de parler de ces dossiers, de la manière dont ils vont être traités, d'organiser un débat politique intéressant sur ces questions de fond qui peuvent donner lieu à des choix de société très différents ? Que nenni ! Ce qui intéressait surtout les uns et les autres, c'était de pointer les inexactitudes du discours présidentiel. C'est vrai qu'annoncer une diminution de 30 % au lieu de 19 % du nombre de ministres est certainement le signe de la volonté de Nicolas Sarkozy de mentir au pays ! Je n'ai lui que des articles sur le jeu des sept erreurs, sur la façon dont le Président était plus ferme, plus calme, plus chevrotant, plus fébrile, selon les analyses puissantes des uns et des autres. Quel gâchis ! et ne croyez pas qu'il s'agisse d'une réaction sarkolâtre - je ne partage pas toutes les orientations ou opin,ions exprimées mardi dernier -, plutôt d'une vraie tristesse devant la difficulté dans notre pays à réagir sur des idées, des mesures et des propositions pour se focaliser sur des détails.
Pourtant, cette interview était dense. Si l'on en reprend les principaux points , le Président a abordé :
1. la nécessité d'une stabilité des ministres plus que de jeux politiciens, car les politiques publiques ont besoin de stabilité. Voici un point intéressant pour un Président que l'on disait plus politicien qu'homme d'Etat.
2. le chantier de la dépendance mis en avant, avec une méthode de concertation durant six mois. Les besoins de financement sont immenses, et la solidarité nationale ne pourra seule y pourvoir. La création d'un 5e risque de la sécurité sociale est envisagée, avec les difficultés que cela comporte s'agissant d'un risque à la survenue certaine (seul l'âge est la variable d'ajustement). Plusieurs hypothèses sont envisagées, d'un système rendant l'assurance privée obligatoire (même remarque concernant la survenue du risque) à un système public, en passant par des systèmes mixtes, et des questions de société importantes, comme le recours sur succession, doivent être abordées. Et ce chantier est lié à d'autres comme la prise en charge des troubles cognitifs liés à l'âge (Plan Alzheimer), l'adaptation des domiciles,...
3. le chantier de la fiscalité : Nicolas Sarkozy s'est dit favorable à la suppression du bouclier fiscal et de l'ISF, avec le création d'un nouvel impôt sur le patrimoine dans le cadre d'une réforme de la fiscalité prévue en juin 2011. Une réforme fiscale pour plus d'efficacité et de justice de l'impôt est en effet nécessaire. Et la volonté est clairement mise en avant, une fois de plus, de taxer plus les revenus de la rente que ceux du travail.
4. Une vision de l'emploi mettant en avant la formation professionnelle, pour que les chômeurs utilisent le temps d'inactivité comme un temps d'adaptation (suivant le modèle mis en oeuvre avec succès en Suisse), ainsi que le développement de l'alternance et de l'apprentissage pour les jeunes.
5. Une réforme de la justice, pour associer des citoyens au juge d'application des peines, et faire entrer des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels pour les délits les plus graves. Poursuite de la même idée que la justice doit être l'émanation du peuple - idée dont on peut discuter les modalités de mise en pratique !
Le président est aussi revenu sur des questions comme la réforme des retraites - là encore les journalistes n'ont retenu que son inexactitude concernant la proportion de jeunes qui deviendront centenaires, quelques pour cent qui ne changent rien à la véracité de la remarque ! Il a abordé le besoin de sécurité dans notre pays - avec une remarque sur la façon dont les médias entretenaient les peurs avant de critiquer les réactions dites "ultra-sécuritaires" du gouvernement. Enfin, il a rappelé qu'une politique lucide sur les questions d'immigration et d'intégration était un moyen de combattre les extrêmes - en récusant toute alliance avec le FN. On peut certes regretter qu'il ne soit pas revenu sur certaines dérives du débat sur l'identité nationale, pour les condamner - ou sur la stigmatisation scandaleuse des Roms, mais c'est un discours plus structuré et plus responsable que les précédents.
Ce discours posait les bases d'un programme de réforme nécessaire pour la France, dans la lignée de ce qui a été entrepris depuis 2007. Le discours de politique générale de François Fillon viendra donner une traduction concrète à ces lignes directrices. On peut certes encore regretter qu'il n'y ait pas une relecture globale de l'action écoulée et à venir autour d'un vrai projet de société. Mais il y a une cohérence dans la volonté réformatrice. C'est sur ces bases qu'il aurait fallu engager la discussion, voir si les priorités énoncées étaient les bonnes, proposer des directions alternatives sur ces grands thèmes ; et il y avait matière à débat ! Mais je finis par désespérer de la possibilité d'un débat démocratique qui s'intéresse à l'essentiel, non à l'accessoire.
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